Registres de l'Academie

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Protokoll des 23. Dezember 1751

Du Jeudi 23 Decembre
Présens:

Mr le Professeur Euler a présenté un Memoire Allemand de Mr de Borne, Sur les moyens de fertiliser la Terre, renvoyé du Cabinet de S. M. à l'Academie. Mrs Eller et Gleditsch ont été nommés pour examiner cette Piece.

Les trois Sujets proposés, il y a huit jours, pour être reçus Associés Externes, ont été agréés par des Suffrages unanimes. Mr le President a présenté un Ouvrage de Geometrie en Italien en deux Volumes in quarto, que Mr le Marquis de Fagnano son Auteur envoyé à l'Academie. Mr Euler prendra la peine de l'examiner, avant qu'on fasse réponse.

Mr le President continuant à rapporter à l'Académie ce qui regarde l'affaire entr'elle et Mr König, a d'abord produit le témoignage que Mrs. les Magistrats de Berne ont rendu à la réquisition de S. M. portant qu'on n'avoit trouvé aucune Lettre de Mr de Leibniz, dans les papiers de feu le Capitaine Henzi, décapité en 1749. Item le Certificat de Mr le Marquis de Paulmy, qui fait foi que cette Lettre ne se trouve, ni au greffe Criminel de Berne, ni parmi les papiers du défunt, qui sont tombés entre les mains de Mr Malacrida son Héritier. Item, la Lettre de Mr König, où il avançoit que cette Lettre de Mr de Leibniz devoit se trouver parmi les papiers du susdit feu Mr de Henzi. Item, une Lettre de Mr König à Mr de Maupertuis, et la Réponse de Mr de Maupertuis; à laquelle Réponse la délibération unanime de l'Academie a été conforme: Et il a été résolu que toutes ces Pieces seroient portées sur le Registre.

Mr de Beausobre a commencé la lecture d'un Memoire sur la Vie d'Albert de Brandebourg, Cardinal de Mayence.

Lettre de Mr König à Mr de Maupertuis

Monsieur

Comme je serois bien fâché d'etre coupable d'une injustice envers qui que ce soit, surtout envers une personne que j'estime autant que Vous, je tâche d'aller au devant des plaintes qu'a ce qu'on dit vous croyez avoir contre moi; non sans qu'il m'en coûte pour vaincre l'indifference que je me sens pour tout ce qui n'interesse point mon coeur dans l'amere affliction où le Ciel m'a plongé en enlevant à ce pays le meilleur et le plus chéri de tous les Princes. Souffrez donc, Monsieur, que j'aye l'honneur de Vous assurer qu'en rapportant dans mon Mémoire le morceau d'une Lettre de Mr de Leibniz qui Vous fait de la peine, mon intention a été simplement et uniquement de faire remarquer en passant que cet illustre Auteur s'etoit vraysemblablement formé une Théorie plus étendue sur l'Action, dont nous nous trouvions frustrés par la faute de ses Adversaires; comme je l'avois déjà dit dans une Note de mon Discours inaugural: mais qu'elle n'a été nullement celle de lui attribuer à Votre préjudice l'honneur de l'invention des Propositions que Vous avez avancées rélativement à cette même matiere dans Votre Mémoire sur la moindre Action.

Je me fais un plaisir et un devoir, Monsieur, de vous rendre toute la justice possible à cet égard, en déclarant de la maniere la plus formelle qu'il ne m'est jamais venu dans la pensée que Mr de Leibniz puisse ou doive revendiquer aucune de vos idées sur cette matiere. Votre candeur dont j'ai toujours eu une haute opinion ne m'eût jamais permis une pareille insinuation. Outre cela elle eût été celle d'un extravagant, attendu que Vous n'auriez pu avoir conoissance que par révélation de choses que personne ne peut dire avoir eû: et même celle d'un franc ignorant, à cause que ce seroit mettre ridiculement Mr de Leibniz en contradiction avec lui-même, que de lui supposer une Theorie, qui se trouve aussi directement opposée à ses principes favoris que l'est la vôtre, comme Vous en convenez.

Je tiens donc pour vraysemblable que Mr de Leibniz, comme premier estimateur de la force et de l'action, aura aussi consideré leurs plus grandes et moindres quantités dans de certains cas, comme vous, et peut-être d'autres avant vous; mais qu'il est nécessaire aussi que ses idées ayant été entierement differentes des votres sur cette matiere.

Reste donc, Monsieur, que Vous vous donniez la peine de mettre au dessus de toute contestation la solidité de Vôtre Theorie, en répondant à mes objections que je soutiendrai avec d'autant moins d'opiniâtreté que je me suis formé une haute idée de votre pénétration, et une très mediocre de la mienne. Soyez persuadé, Monsieur, que vous n'y aurez pas plutôt réussi qu'animé par un esprit de justice et les sentimens d'estime que j'ay pour vous, je serai le premier à reconnoître ce qui vous est dû, et à vous accorder avec empressement tout l'honneur possible, que l'importance des verités que vous aurez constatées, pourra mériter. Voilà ce que je croyois devoir vous mander provisionellement, afin de vous tranquilliser, esperant que vous en serez content: ce qui n'empêchera pas que dans un autre tems je ne tâche de satisfaire aussi votre curiosité, en faisant chercher après l'original de la Lettre en question. En attendant vous ne voudrez pas douter, j'espere, de ma bonne foi à l'egard de ce passage, d'autant qu'il est clair que je l'ai déjà eu en vue dans la remarque qui se trouve à la pag. 61 de mon Discours inaugural, composé et imprimé avant que j'aye eu connoissance de Vôtre Theorie.

Au reste je suis si fort éloigné de souhaiter que vous n'ecriviez pas contre moi, que je vous invite de le faire au plutôt, persuadé que je ne pourrai manquer de profiter de tout ce qui sortira de Vôtre plume.

Il n'y a qu'une chose dont je vous prie très fort, Monsieur, parceque je me crois en droit de l'exiger de votre justice, c'est de me faire l'amitié de ne point vous ecarter du grand chemin qu'ont toujours suivi les gens de Lettres qui ont été en contestation sur leurs sentimens, et surtout de ne point mêler dans nôtre Controverse l'Academie Royale des Sciences, que j'honore et que je respecte infiniment, mais à laquelle je ne sçaurois accorder une jurisdiction sur moi.

On sçait que les gens de Lettres, considerés comme tels, sont des personnes libres, qui dans leurs sentimens et leurs differens ne reconnoissent aucun Superieur, qu'en consequence d'un compromis. Je dois donc esperer, Monsieur, que vous ne prétendez point m'ôter un avantage que j'ai de commun avec vous et tous ceux qui cultivent les Sciences et les Lettres. Les réglemens de votre Academie dont de votre propre mouvement vous m'avez fait la grace de me faire nommer Membre, ne sçauroient non plus être contraires à cette prérogative: mais au cas que cela fût, j'attens de votre équité que vous m'en fassiez donner connoissance au plutôt, pour que je puisse prendre mes mesures en consequence. Quel chagrin pour moi, qu'à cause d'un Mémoire uniquement destiné à vous obliger, en conferant avec vous sur une matiere que vous paroissiez affectionner, si souvent revû par rapport aux expressions qui vous regardent, longtems supprimé, dans l'incertitude s'il pourroit peut-être vous faire quelque peine, et enfin présenté à vous-même en Msc. avec plein pouvoir de m'ordonner de le supprimer, ou d'y faire tous les changemens que vous auriez voulu; quel chagrin, dis-je, pour moi qu'à cause d'un tel Mémoire, je me voye aujourdhui menacé d'un proces éxtraordinaire, dans le tems où mon ame se trouvant remplie de la plus juste douleur, mon esprit est hors d'etat de suivre des idées qui l'eloigneroient de ce sentiment! Si je vous ai desobligé, Monsieur, par ce que j'ai écrit, soyez bien persuadé que c'est contre mon intention, que j'en suis très mortifié, et que, les droits de la Verité mis à part, je me ferai un plaisir de vous donner toute la satisfaction imaginable. Pour peu qu'à votre jugement cette Lettre y puisse contribuer, je vous authorise d'en faire tel usage que vous jugerez à propos, ne souhaitant rien tant que de vous convaincre de la Sincérité de mes sentimens, et de la parfaite considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être, etc. S. König.

à la Haye le 10 Decemb. 1751.

Réponse de Mr de Maupertuis

J'ai reçu, Monsieur, la Lettre que Vous m'avez fait l'honneur de m'ecrire, du 10. de ce mois: Et s'il n'etoit question que de mon interêt personel, je serois plus que satisfait des choses obligeantes qu'elle contient. Mais ce que Vous avez mis dans les Actes de Leipsig attribuant à Mr de Leibniz des choses que d'autres Academiciens ont données comme d'eux dans nos Mémoires; l'Académie ne pouvoit manquer de s'interesser à éclaircir ce qui peut appartenir à chacun de ses Membres. Et comme la question ne dépend que de la production de la Lettre que vous avez citée, on vous a prié d'en faire voir l'original. C'est ce que tout particulier interessé de la sorte seroit en droit d'exiger: A plus forte raison une Compagnie respectable, et par le Prince qui la protege, et par les Membres qui la composent. Sur la premier Lettre que j'ay reçue de Vous, Sa Majesté comme Protecteur de l'Académie a déjà écrit à Messieurs de Berne pour faire chercher parmi les papiers de Henzi ce recueil de Lettres de Leibniz dont vous parliez. Mais après la plus exacte perquisition l'on n'a rien trouvé d'approchant. Et les recherches que Marq. de Paulmy d'Argenson a fait faire, n'ont pas eu d'autre succès.

Ceci, Monsieur, n'est donc point mon affaire; je n'y suis impliqué que comme Membre de l'Académie. C'est l'affaire de la Compagnie, qui assurément est en droit d'exiger de vous de produire l'original d'une Lettre qui interesse ses Membres, ou de juger à cet égard de Vôtre impuissance: Et elle veut bien attendre encore un mois cette production.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur, Votre etc. Maupertuis.

Cette Lettre a été lue dans l'Assemblée de l'Académie du Jeudi 23 Decembre 1751 et la délibération de l'Academie y a été conforme.

Il a aussi été résolu qu'on s'en rapporteroit pour le mois de délai à votre reçu que vous aurez la bonté de dater.

Formey Secr. p.

L'Académie est entrée dans les Feries de Noël.